Pain blanc, pâtes blanches, farine blanche, sucre blanc, riz blanc, orge perlé figurent largement au menu quotidien d’une vaste population mondiale qui, par le biais de l’industrie meunière, consomme des céréales dégermées.
La survenue d’une étrange maladie dans les pays asiatiques appelée BÉRIBÉRI et dont on a activement cherché la cause a permis la mise en évidence de la vitamine B1, dite thiamine, présente dans le germe des céréales. Cette découverte fut à l’origine d’un concept révolutionnaire, mais toujours encore rarement envisagé en première instance, à savoir l’existence de facteurs nutritionnels indispensables à la vie que l’humain doit absolument trouver dans son alimentation pour être et rester en bonne santé.
Cette vitamine, la thiamine, est indispensable pour la conversion des glucides (hydrates de carbone) en ÉNERGIE. Le tout premier symptôme de sa carence est donc une immense faiblesse, d’où le nom cingalais du béribéri : « je ne peux pas… je ne peux pas ». Bien sûr, à part des éclosions ici et là, (1, 2, 3) le béribéri dans nos pays occidentaux passe plutôt inaperçu et c’est sous sa forme subclinique qu’il nous fait souffrir et mourir. En effet, le béribéri se présente principalement sous deux formes : sous une forme cardiaque et sous une forme neurologique.
Pourquoi une carence en Thiamine dans un pays en abondance ?
L’enrichissement des céréales en thiamine limite quelque peu cette carence, mais il existe quand même des conditions qui la précipitent :
- Anorexie, asthénie, régimes amaigrissants (régimes hypocaloriques)
- Alimentation carencée composée principalement de boissons sucrées et de protéines animales
- Alcoolisation : l’alcool comporte zéro thiamine et il est riche en glucides qui exigent énormément de vitamine B1 pour leur métabolisme. L’alcool empêche la conversion de la thiamine en forme active et inhibe son absorption intestinale. La carence en thiamine doit alors être traitée avec des injections intraveineuses.
- Produits sucrés : le sucre (un glucide très concentré) apporte zéro thiamine, mais en exige énormément pour son métabolisme.
- Consommation de chou frisé (kale) cru sous forme de smoothie, de poisson cru, ces aliments consommés crus comportent une enzyme détruite par la cuisson, la thiaminase, antagoniste de la vitamine B1.
- Aliments avec sulfites (tous les vins en comportent)
- Thé, café, fougères, noix de bétel
On doit aussi mentionner des conditions de vie dans lesquels la carence en thiamine peut être courante :
- Vie sous pression : le stress brûle les vitamines B, et particulièrement la vitamine B1
- Chirurgie bariatrique
- Dialyse
- Nutrition par voie parentérale sans supplément de vitamine B1
- Cancer avancé : la tumeur dévore la thiamine
- Schizophrénie
- Prise d’un diurétique, particulièrement par les personnes âgées
- Nausées sévères de la grossesse
Rappelons que le corps stocke faiblement la vitamine B1 et qu’il en faut donc une absorption quotidienne, soit 3,5 à 5 mg pour un adulte en bonne santé. Trois mois de carence en thiamine et les symptômes surviennent aussitôt.
Les symptômes du déficit en thiamine
La carence en vitamine B1 touche le système nerveux (béribéri sec) et le système cardiovasculaire (béribéri humide). Ses symptômes sont donc nombreux et variés. Par contre, les deux formes débutent de la même manière insidieuse :
- Jambes lourdes, fatiguées, moins alertes, enflées le soir
- Engourdissements et paresthésies des jambes
- Palpitations occasionnelles
- Altération discrète de la marche
- Zones cutanées de moindre sensibilité
Ces symptômes peuvent persister pendant des mois et même des années avant d’évoluer sous la forme humide (cardiovasculaire) ou sèche (neurologique).
La forme humide
- Œdèmes des jambes, mais aussi parfois au niveau du scrotum, du visage et du tronc
- Palpitations et douleurs thoraciques
- Difficultés de la respiration (dyspnée)
- Pouls rapide, irrégulier, veines du cou distendues (on y voit les pulsations)
- Volume du cœur augmenté
- Volume des urines diminué
Ces symptômes peuvent évoluer vers une insuffisance circulatoire fatale.
La forme sèche
- Muscles fondus
- Marche entravée – faiblesse des membres inférieurs avec douleurs à la marche, incoordination des mouvements volontaires (ataxie), mollets hypersensibles à la pression, difficulté à se relever de la position accroupie
- Crampes musculaires surtout nocturnes
- Paralysie des cordes vocales (Il existe un béribéri infantile dans lequel le bébé s’agite comme s’il criait, mais n’émet aucun son ou tout au plus un geignement.)
- Confusion
- Secousses des globes oculaires (nystagmus)
- Paralysie des yeux (ophtalmoplégie)
- Psychose, fabulation, troubles des fonctions cognitives, épilepsie, coma
- Troubles vésico-sphinctériens (4) (épisodes d’incontinence sévère et épisodes de rétention et constipation sévère)
Que faire ?
Voici ce qu’en dit l’expert médical M. Moonen : « Le traitement du béribéri – par l’apport adéquat de la thiamine permet l’amélioration rapide de la fonction cardiaque ainsi que des symptômes liés à la polyneuropathie. Lorsque le traitement est précoce, il ne persiste en général pas de séquelle…» (5).
Vu la fréquence et la gravité de la décompensation cardiaque et des troubles neurologiques, et vu la simplicité et le faible coût de ces corrections, pourquoi ne pas les prévenir par une nutrition quotidienne à base de céréales entières, de fruits et de légumes frais, exempte d’alcool et de sucre (6), et supplémentée avec de la levure nutritionnelle, source concentrée de thiamine et de toutes les autres vitamines B ? Le proverbe s’impose : il vaut mieux prévenir que guérir.
Références :
1. Épidémie de béribéri à Cuba en 1992, 1993
2.Épidémie de béribéri dans le département français d’outre mer Mayotte en 2004
3.Plusieurs nourrissons ont été hospitalisés en Israël en 2003 pour une encéphalopathie aiguë avec ou sans cardiomyopathie. Ils étaient alimentés par un lait à base de soja où il manquait de la thiamine — Fattal-Valevski A, et coll. : Outbreak of life threatening thiamine deficiency in infants in Israel caused by a defective soy based formula, Pediatrics 115 : e233-8, 2005
4.D. Mazevet et coll., Neuropathies par carence en thiamine sans intoxication alcoolique : deux cas de troubles vésicosphinctériens, Annales de réadaptation et de médecine physique, Vol.48/1, février 2005.
5.M. Moonen et coll., Béribéri, Rev Med Liege, 62, 6-7, 523-530, 2007.
6.Starenkyj D., Le Mal du Sucre Orion.